1957 : Un délicieux premier sacre

L’AS Saint-Étienne compte vingt-quatre ans d’existence quand, en mai 1957, elle touche enfin au but en remportant le titre de champion de France.

Dès le premier match, Jean Snella décèle chez ses joueurs une qualité et une expression collectives qui augurent une bonne saison. À Nice, surle terrain du champion de France en titre, son équipe débute par un coup d’éclat en tenant son adversaire en échec devant 14 000 spectateurs, par une chaleur accablante. Aux buts de Faivre et Foix, Saint-Étienne réplique pars on étonnante « paire d’inters » : Kees Rijvers, champion du changement de rythme et du contre-pied, et le jeune Rachid Mekhloufi, qui s’affirme comme la future étoile verte.

Ce résultat est aussitôt confirmé la journée suivante : au stade Geoffroy-Guichard, l’Olympique de Marseille s’incline 6-3 sous les coupsdu tandem « magique » Rijvers-Mekhloufi –quatre buts à eux deux – et de l’audace de René Domingo, qui inscrit le sixième but stéphanois à son homonyme, le gardien marseillais Marcel Domingo.

La saison est idéalement lancée, et malgré quelques anicroches ici ou là, l’AS Saint-Étienne adopte un rythme irrésistible qu’aucun concurrent ne peut suivre. Pas même le grand Stade de Reims qui, encouragé par 16 000 spectateurs, mise tout sur l’offensive pour venir à bout des Verts, qu’il reçoit au stade Auguste-Delaune, le 30 septembre. Mais sison attaque fait feu de tout bois, notamment son avant-centre Just Fontaine – auteur de trois buts –, c’est sans compter sur le culot d’un adversaire qui, à l’ultime minute d’un débat passionnant et passionné, obtient la victoire (4-5) grâce à l’inévitable Mekhloufi lequel, sur un coup franc magistral, donne à cette rencontre une dimension inusitée.

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Une cadence du diable, des buts à foison, des rebondissements incessants : l’ASSE balaie tout sur son passage, et si, dans sa course folle, elle subit quelques passages à vide, elle boucle la compétition avec quatre points d’avance sur le deuxième, le RC Lens, et six sur le Stade de Reims. Avec 88 buts, son attaqueest la plus prolifique du Championnat, devantcelles du RC Paris (86) et du RC Lens (77).

« C’est la victoire du football rock'n'roll ! »

L’origine de ce triomphe ? Au terme de la saison1955-1956, les amateurs stéphanois avaient décroché le tout premier titre national jamais remporté par le club. À tous les jeunes, Jean Snella avait délivré un message clair : « Si vous finissez champions, vous serez titulaires en pro la saison prochaine. » Les jeunes en question s’appellent Michel et Richard Tylinski, arrivés de La Combelle, René Ferrier, venu de Cusset, Georges Peyroche, enfant de Roche-la-Molière, Yvon Goujon, cousin d’Antoine Cuissard, Armand Fouillen (ex-Lorient). L’entraîneur de l’ASSE tient sa promesse : dès l’été 1956, ils fréquentent tous quotidiennement Abbes, Domingo, Rijvers, N’Jo Léa et… Rachid Mekhloufi, fils de Sétif, recommandé en 1954 à Snella, qui l’avait mis en couveuse à Boën-sur-Lignon pour qu’il poursuive sa formation de mécanicien-dentiste tout en s’acclimatant en douceur au football métropolitain. L’avantage de cette « classe biberon », à laquelle Snella a adjoint ses dernières trouvailles inconnues (l’ex-Lillois Lefèvre, qui inscrit 10 buts, ainsi que le « Marocain » Casado et le Bruaysien Oleksiak « soufflé »au LOSC), c’est qu’elle entame le Championnat sans complexe ni retenue, avec la fougue propre à ceux qui n’ont rien à perdre, auxquels « M. Jean » demande de ne pas calculer. Lagreffe prend merveilleusement bien, y compris avec François Wicart (31 ans), René « Bill » Domingo et Kees Rijvers (28 ans chacun), qui « vieillissent » un peu la moyenne d’âge du groupe, à peine supérieure à 22 ans.

Les éloges pleuvent sur Saint-Étienne : « C’est la victoire du football rock’n’roll ! » clame Jean Eskenazi dans les colonnes de France-Soir, pendant que Jean Cornu, dans L’Équipe, parle, en mai 1957, du « plus beau champion de l’après-guerre ».

La ville exulte et veut croire que son équipe de football continuera sur sa lancée.

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