Aimé Jacquet : "Un doublé, c'était exceptionnel"
A la fin des années 60, le futur sélectionneur champion du monde est un joueur clé du groupe d’Albert Batteux qui, en 1968, remporte la deuxième Coupe de France et réussit le premier doublé de l’histoire du club.
LE CONTEXTE |
Un jour plus tard, Paris était en colère. Étudiants et jeunes travailleurs quadrillent la capitale, crient leur fronde au pouvoir et paralysent pour plusieurs semaines un pays entier. Un jour avant la grève générale et les évènements de Mai 1968, les Verts sont dans la capitale. Et ils ne viennent pas visiter les bords de Seine. Mekloufi, Carnus, Bosquier, Revelli, Durkovic : le 11 à de l’allure, il fera même dire à Jean-Michel Larqué qu’il est le meilleur dans l’histoire du club. Futurs champions, les Verts signent leur premier double coupe-championnat ce 12 mai 1968 grâce à la classe de Rachid Mekloufi. Auteur d’un doublé face aux Girondins de Bordeaux (2-1), le génial maitre à jouer peut s’appuyer sur le talent d’un certain Aimé Jacquet, placé un cran derrière lui sur le terrain. Devenu cadre de l’équipe, l’ancien fraiser au Creusot-Loire n’a pas perdu ses valeurs de combat. Au milieu de terrain, et aux côtés de Robert Herbin, il étale son abattage. Il est notre deuxième grand témoin de l’histoire entre l’ASSE et la Coupe de France. |
Quel souvenir gardez-vous du parcours vainqueur de 1968 ?
D’un point de vue collectif, réaliser un doublé était exceptionnel à l’époque. C’était très rare de pouvoir effectuer de bons parcours sur les deux compétitions car les effectifs n’étaient pas aussi larges qu’aujourd’hui. Ensuite, sur la finale, affronter les Girondins de Bordeaux n’était pas un cadeau. On a d’ailleurs beaucoup souffert car c’était un adversaire très physique. Mais peut-être pas autant qu’en demi-finales face à Angoulême. Là, on était passé tout près de la correctionnelle. Et puis la finale s’est jouée le 12 mai 1968. Le lendemain, c’était grève générale. On est partis en catastrophe de Paris et je crois même me souvenir qu’on s’est fait voler des affaires.
Avec son doublé, Rachid Mekloufi a été l’homme de cette finale.
Rachid… (il souffle) Quel joueur ! C’est le plus grand avec lequel j’ai évolué. Il avait une faculté d’accélérer le jeu qui était unique à cette époque. Pour moi, il était en avance. En 1968, il jouait déjà comme les équipes allaient le faire dix ans plus tard. D’ailleurs, je reste persuadé qu’il pourrait évoluer dans le football actuel. Sa technique était hors du commun. À son retour d’Algérie, il avait pris une autre dimension. On en parle finalement assez peu mais il fait partie des meilleurs joueurs de son époque. Sur cette finale, il a gagné la coupe pour nous.
"La base de l’équipe, c’était le duo Roland Mitoraj-Bernard Bosquier. Ils étaient complémentaires, solides, parfaits dans la relance"
Quel rôle aviez-vous dans l’équipe à cette époque ?
J’étais relativement jeune mais j’étais heureusement entouré de joueurs confirmés. La base de l’équipe, c’était le duo Roland Mitoraj-Bernard Bosquier. Ils étaient complémentaires, solides, parfaits dans la relance. À mes côtés, j’avais Robert Herbin. Il m’impressionnait car il était toujours en train de courir. Jamais il ne s’arrêtait ! Sa carrière comme entraîneur est exceptionnelle mais il ne faut pas oublier qu’il avait auparavant été un récupérateur de très haut niveau.
Diriez-vous que vous étiez à votre meilleur niveau à ce moment-là ?
C’est entre 1966 et 1968 que je pense avoir été le meilleur. J’ai travaillé jusqu’en 1963. Le football n’était alors qu’une passion. À aucun moment je pensais que cela deviendrait mon métier. Je faisais les postes du soir, je dormais le matin et je m’entraînais avec les amateurs l’après-midi avant de retourner travailler au Creusot-Loire. Par la suite, j’ai fait 21 mois de service militaire au 22e bataillon de chasseurs alpins de Nice. Puis Jean Snella m’a appelé et m’a dit qu’il voulait me voir tous les jours à l’entraînement avec l’équipe une. Cumuler avec le travail n’était pas possible. J’ai donc tout lâché pour le football. À cette époque, j’étais épargné par les blessures et pratiquement titulaire.
Comment analysez-vous la finale du 24 juillet prochain ?
C’est dommage que le stade ne soit pas ouvert totalement car les supporters stéphanois se seraient déplacés en nombre. Ce match sera forcément marqué par ce que nous venons de vivre et ces mois sans compétition pour les joueurs. Je suis d’ailleurs admiratif des entraîneurs qui doivent récupérer leurs groupes après une telle pause. Ça ne doit pas être simple. Le PSG a des joueurs de classe mondiale mais si le football m’a appris quelque chose, c’est bien l’humilité. Sur un match tout est possible. L’ASSE est capable d’un exploit. Je suis Vert à vie et je regarderai attentivement cette finale.
L’objet du Musée des Verts
Aimé Jacquet l’a souligné : un doublé coupe-championnat était plutôt rare à l’époque. Pour les Verts c’était le premier, et pas le dernier, d’ailleurs. La Fédération Française de Football avait donc décidé de marquer le coup : l’instance avait en effet remis une plaque commémorative au club en guise de deuxième trophée.