Bernard Caïazzo: «Unis et solidaires»
Le Président du Conseil de Surveillance de l’ASSE, élu président du nouveau syndicat « Première Ligue », prône l’unité pour engager les réformes nécessaires à la compétitivité du football professionnel français. La solidarité est aussi son mot d’ordre quand il évoque la saison 2015-2016 de l’ASSE et la progression du club.
Vous venez d’être élu Président du nouveau syndicat de Ligue 1 par tous les présidents de clusb. Est-ce une marque de reconnaissance pour vous ?
Bien sûr mais pour l'AS Saint-Etienne également. Cette éllection prouve que l'ASSE est de plus en plus reconnue comme un club important en France. C'est le fruit d un travail accompli depuis plusieurs années. Cela démontre également la confiance accordée à l'unanimité par les présidents de Ligue 1 aussi bien ceux du PSG, de l'OM et de l'OL que ceux d'Angers, Caen,Troyes ou Nice. Les présidents de clubs savent que nous défendons des valeurs de partage, de dialogue et de travail qui peuvent aussi servir tout notre football face à la concurrence de plus en plus vive des autres championnats européens. Après, il y a aussi une question d expérience des dossiers lourds mais qui, sans un travail de concertation, ne suffit pas Si mes collègues présidents ont tous voulu ma nomination, c'est parce qu'ils savent la valeur du travail accompli à l'ASSE depuis plusieurs années ainsi que notre contribution positive dans tous les combats pour défendre notre football sans privilégier un club ou un autre. Il ne faut pas oublier que nos clubs, tout en étant des rivaux sur le terrain, doivent être des alliés en dehors face aux autres clubs européens qui ne subissent pas les handicaps propres à la France. L'intérêt des clubs de Ligue 1 est d être unis et solidaires pour produire le changement indispensable à notre football.
Quel est l’objectif de ce nouveau syndicat de Ligue 1 dénommé Premier ligue ?
Depuis plusieurs années, tous les passionnés de football français se rendent compte que les autres grands championnats progressent mieux que le nôtre. Pourquoi ? Parce qu’en France on n’arrive pas à mettre en oeuvre les réformes qui s'imposent. Chaque fois qu’une amélioration est envisagée, même par une majorité de clubs, des blocages empêchent toute avancée. Il y a une douzaine d’années, les Allemands ont su mettre en place des réformes pour redynamiser leur football de clubs qui n’allait pas bien. La Bundesliga est devenue un meilleur championnat que la Ligue 1 mais a conservé des stades populaires et festifs. L’objectif de notre nouveau syndicat est de travailler pour produire le changement indispensable à notre football. Cela ne pourra se faire que si notre football regarde la réalité en face et adopte de vraies réformes pour améliorer la qualité de notre championnat. Combien de fois ai-je entendu les médias se plaindre que les présidents de clubs ne bougeaient pas pour faire évoluer notre championnat ? Aujourd'hui, les clubs de Ligue 1, petits, moyens ou gros, ont décidé de s’unir pour travailler ensemble et trouver des solutions de réformes. Ce ne sont pas seulement le PSG, Monaco, l’OL ou l’OM qui sont concernés. Bastia, Caen, le Gazélec, ou Angers le sont aussi. Et l’ASSE a été choisi par tous parce que nous défendons les clubs populaires. Mais nous comprenons également que les gros clubs doivent être entendus pour mieux réussir face à une concurrence européenne féroce.
Pourquoi vouloir constituer une Ligue 1 indépendante de la Ligue 2 ?
Les clubs de Ligue 1 travaillent tous les jours avec les clubs de Ligue 2. Il existe des liens étroits à travers les achats de joueurs. Des prêts de joueurs sont régulièrement conclus.
« Un club comme l’ASSE paie plus de charges sociales à l’Etat pour son effectif pro que tous les 20 clubs espagnols réunis »
Des partenariats existent. Il faut rappeler que la Ligue1 verse, chaque saison, 80 millions d’euros à la Ligue 2 sans contrepartie. Sans cette aide, la Ligue 2 ne pourrait pas survivre. Néanmoins, on se rend compte qu’elle subit une concurrence européenne que la Ligue 2 ne subit pas. Cette concurrence est vive au niveau des compétitions européennes mais également en ce qui concerne les mouvements de joueurs. Un club comme l’ASSE paie plus de charges sociales à l’Etat pour son effectif pro que tous les 20 clubs espagnols réunis !! Oui plus que Barça, le Raal, l’Atletico Madrid, Séville et les 16 autres clubs de Liga !!! Est-ce qu’un club de Ligue 2 est dans cette situation par rapport à la deuxième division espagnole ? Non, si bien que nous n'avons plus les mêmes contraintes. Il est donc indispensable pour mieux travailler d’être indépendant de la Ligue 2, ce qui ne signifie pas une rupture avec la Ligue 2. Nous continuerons à aider la Ligue 2 en lui versant 80 millions par saison. Nous avons besoin de la Ligue 2 qui doit être une alliée face aux championnats étrangers et nous avons d'ailleurs de nombreux amis présidents de clubs de Ligue 2. A noter qu'en Angleterre et en Italie la ligue 1 et la Ligue 2 sont indépendantes, ce qui n'empêche pas de bien s'entendre.
Quelle sera votre philosophie de travail ?
La concertation à tous les niveaux! Avec les groupes de supporters, en écoutant leurs revendications comme leurs idées pour améliorer la Ligue 1 car nous n'avons pas le monopole des innovations. Avec les entraîneurs et les joueurs qui vivent au quotidien, de l’intérieur, le foot pro français si bien qu’ils savent mieux que personne quelles solutions il faut envisager pour être meilleur face à nos concurrents européens. Avec les médias pour créer des liens permanents car les journalistes peuvent apporter de bonnes idées, innovantes et originales. Avec la Ligue 2 sans oublier la FFF qui représente le monde amateur. Bien sûr, il faudra aussi dialoguer efficacement avec les politiques car rien ne pourra se faire sans eux. Récemment, j’ai entendu le ministre Thierry Braillard dire qu’il fallait limiter sur le plan international le montant des transferts. Je suis d’accord car verser 80 millions pour un transfert, c’est indécent même si cela concerne une transaction entre un club anglais et un club allemand. C’est aussi indécent qu’un club comme l’ASSE paie plus de charges sociales que tous les clubs espagnols réunis mais j’aimerais entendre le ministre le reconnaître, en regrettant qu’il n’y ait pas d’harmonisation européenne. C'est à nous de parler avec tous les partis politiques pour expliquer et faire comprendre que les clubs français subissent une concurrence déloyale car nous n avons pas les mêmes avantages que nos voisins allemands ou espagnols. Notre seul parti politique, c'est le football français.
Comment jugez-vous l’évolution de l’ASSE après ce mercato ?
Avant tout, il faut rappeler que le mercato avait bien commencé avec la prolongation du contrat de Christophe (Galtier) jusqu'en 2018, ce qui était essentiel pour Roland (Romeyer) comme pour Dominique (Rocheteau) ou moi-même. Après, je tiens à féliciter le staff sportif et médical comme les joueurs pour avoir atteint l’objectif de qualification pour la phase de groupes de l’UEFA Europa League. En cinq ans, seules deux équipes françaises ont réussi à se qualifier deux saisons de suite pour la phase de groupes de l’UEFA Europa League. Nous avons le même nombre de points en championnat que la saison passée après quatre matchs en août. Pourtant, cette saison, Christophe (Galtier) et son staff ont dû reconstruire une attaque qui est loin d’avoir atteint son potentiel par manque de temps. Il est impossible de construire un système avec des repères quand on joue tous les trois jours avec une dizaine de nouveaux joueurs. Je suis très fier de nos joueurs et surtout de la mentalité affichée dans les moments difficiles par chacun. L'ASSE, et je connais bien les chiffres, a vendu pour 18 millions d'euros de joueurs en net, une fois déduits les contributions FIFA, les commissions d agents, les primes joueurs et les droits de suite dus aux clubs. L'ASSE a acheté pour 12.5 millions d'euros en net, ce qui fait une différence de 5.5 millions destinée à combler en partie le déficit structurel de 8 millions d euros par saison. A noter, au passage, qu il était prévu 10 millions d achats et que les propriétaires du club ont accepté de prendre un risque en montant à 12,5. N'oublions pas que tous les clubs français subissent des déficits, parfois de 20 ou 30 millions par saison pour certains, et que l'ASSE a vu son déficit monter à 8 millions d euros à cause de la taxe à 75%. On comprend mieux pourquoi les clubs de Ligue 1 s'unissent pour lutter contre ces situations déficitaires que ne subissent pas les Allemands. Par exemple, sur 2014-2015 et pour la première fois depuis 5 ans, l'ASSE perdra près de 2 millions d'euros à cause de la taxe à 75%.
Qu'avez-vous pensé du dernier match contre Bastia ?
D'abord avec une température de 40 degrés à 14 heures, ce match aurait du être reporté de quelques heures en fin de journée. C'était une nécessité pour protéger les joueurs car nous aurions pu vivre un drame sans l'intervention de notre staff médical et l'intelligence de notre coach. Nous avons écrit à la LFP qui nous a promis à l'avenir de donner des instructions aux délégués et arbitres pour considérer les grosses chaleurs comme les grands froids et repousser le déroulement des rencontres. Après, je regrette les sifflets entendus lors de ce match même si je les excuse car, comme l’a dit Christophe (Galtier), les supporters ignoraient que certains de nos garçons jouaient blessés, ce qui risque de nous pénaliser en septembre même si l’effectif est très complet. Ce qui me gêne le plus, c'est parfois le manque d'objectivité de certains médias vis à vis de l'ASSE. Notre club, avec le 7e et même 8e budget de L1 si l’on considère que Rennes a mis beaucoup d’argent cette saison sur le mercato, est classé 4e du Championnat sur les quatre dernières saisons en cumulant tous les matchs. C'est un exploit face à des clubs bien plus riches qui sont derrière nous. A part le PSG, qui nous a dominé la saison passée en France ? On ne peut pas être dans le «toujours plus» et dans l'impatience. Quand Christophe (Galtier) s est posé la question de continuer à l'ASSE, c'est aussi parce qu'il craint qu l'environnement demande toujours plus et presque de décrocher la Lune alors que ce qu il réalise à l'ASSE constitue déjà un exploit. Or l'ASSE progresse chaque jour grâce au travail de Roland (Romeyer), homme d'exception, de Dominique (Rocheteau) qui sait apaiser toutes les situations en apportant sa sagesse et son expérience, de son remarquable staff, de ses joueurs mais aussi de la direction et de tous les employés. Je peux vous garantir que tous travaillent sans relâche comme vous n'imaginez pas. Les supporters de l'ASSE comme les observateurs doivent en prendre conscience, pas seulement les Ultras qui l'ont compris depuis bien avant, mais bien tous ceux qui aiment les verts. Ma conviction est que si tous les supporters sont unis et solidaires pour le club l'ASSE continuera à grandir car la motivation du groupe n'en sera que plus forte. Le groupe a été régénéré par l'arrivée de nouveaux et jeunes joueurs, qui sont aussi venus pour vivre l'aventure avec les meilleurs supporters de France. David Wantier, notre conseiller pour le recrutement, a réalisé un excellent travail et le coach comme le directoire sont très satisfaits de lui. Ces jeunes méritent d'être aidés parce qu'avec nos cadres qui sont de super bons gars et l'aide d'un staff sportif et médical irréprochable, ils formeront une très grande équipe.