Carnus-Bosquier, quelle affaire !
Le passage d’un club à l’autre a donné lieu, par le passé, à de nombreuses polémiques. La plus célèbre est intervenue en 1971 à l’occasion de « l’affaire Carnus-Bosquier », dont nous vous rappelons, ici, les principales péripéties.
À la 41e minute du match Saint-Étienne-Bordeaux, le 8 mai 1971, tout paraît joué. Les Verts, leaders avec trois points d’avance sur l’OM à huit journées de la fin, mènent 2-0 et déroulent face à un adversaire résigné. Au coup de sifflet final, pourtant, après une dernière sortie à contretemps de Georges Carnus, les Girondins repartent avec les deux points de la victoire (3-2). Stupeur à Geoffroy-Guichard, où les insultes fusent contre le gardien stéphanois et son partenaire Bernard Bosquier, accusés l’un et l’autre de « trahison ». La raison ? Les deux hommes, en fin de contrat et libres au terme de la saison, sont sollicités depuis janvier par l’Olympique de Marseille, et soupçonnés de ne pas tout mettre en œuvre pour défendre les couleurs vertes. La situation provoque la fureur du président de l’ASSE, Roger Rocher qui, le 10 mai, au micro d’Europe 1, déclare la guerre à l’OM : « M. Leclerc tente de nous abattre machiavéliquement. » Réplique tout aussi vive du président marseillais : « M. Rocher voudrait faire perdre le titre à son équipe qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Il porte seul la responsabilité du départ de Carnus et Bosquier. (…) Le roi est mort, il faut bien qu’un autre vienne. » C’est l’emballement général.
À la veille du match contre le Red Star, le 14 mai, l’AS Saint-Etienne publie un long communiqué selon lequel « l’ASSE opte pour la résiliation immédiate du contrat des deux joueurs. » Rocher prend Bosquier à partie : « Dégagez vos placards ! Vous êtes virés ! » De son côté, Albert Batteux avoue sa consternation : « Je ne suis pas tellement convaincu qu’ils ont commis une faute énorme. Si j’avais été révolutionnaire, je n’aurais jamais sacrifié les hommes aux idées. » L’entraîneur stéphanois ajoute, comme une pique à l’adresse de son président : « En fait, c’est Saint-Etienne qui se punit lui-même en s’affaiblissant volontairement. Je suis l’entraîneur le plus décontenancé du monde. On m’avait confié une Porsche, me voici avec une Simca 1000. » Cinq jours après la répudiation des deux joueurs, à la faveur d’une défaite des Verts à Nîmes (3-5), les Marseillais passent devant leurs adversaires au classement, à cinq matchs de l’arrivée. Au final, l’OM sera sacré champion de France 1971, pour la première fois depuis vingt-trois ans. Réflexion de l’entraîneur de l’OM, Mario Zatelli : « Rocher nous a fait cadeau du titre ». Bernard Bosquier enfoncera le clou : « C’est lui qui nous a fait perdre le titre en jouant au con ! Pas Georges et moi ! »