Cinq questions à... Mathieu Dupré !
Nouvelle saison, nouvelle série. "Cinq questions à...", nous permettra, tout au long de cet exercice, de partir à le rencontre des femmes et hommes de l'ombre. Premier épisode avec Mathieu Dupré, préparateur physique de l'équipe féminine de l'ASSE, qui retrouvera bientôt la D1 Arkema.
Mathieu, comment s’articule cette préparation estivale pour les Vertes ?
Cette saison, la préparation estivale est un peu différente en raison de la Coupe du Monde féminine qui décale le début de notre championnat de D1 Arkéma au 16 septembre. Nous faisons face à une grande période sans compétition. L’idée est de ne pas laisser trop longtemps les joueuses en inactivité, mais également de ne pas faire une préparation trop longue. Nous avons opté pour une préparation en deux temps. C’est également le choix de quelques clubs de haut de tableau de D1 Arkéma comme le PSG, l'OL ou le MHSC. Ainsi, après un programme individuel, nos joueuses se sont retrouvées le 17 juillet pour démarrer la préparation par des tests médicaux et physiques. Les trois premières semaines ont été orientées sur des grands volumes de course et du renforcement musculaire afin de bien remettre les organismes en route. Cette base solide va nous permettre la répétitions des efforts à haute intensité et des efforts explosifs par la suite. Nous savons que plus la vitesse maximale aérobie est élevée, plus les joueuses seront à même de répéter les efforts à haute intensité. En semaine 3, nous sommes partis en stage au Chambon-sur-Lignon avant de disputer le premier de nos six matchs de préparation face au FC Servette Genève (1-0). À l’issue de ces trois premières semaines, nous avons laissé les joueuses rentrer chez elles avec un programme individuel à suivre. Il reste donc 5 semaines avant la première journée de championnat durant lesquelles, progressivement, nous allons monter en intensité et diminuer le volume d’entraînement tout en peaufinant l’aspect tactique.
Pourquoi avoir prévu cette semaine d’oxygénation au milieu de cette préparation ?
Le stage est un moment très important dans la préparation car il permet à tout un groupe de vivre ensemble et de souder des liens solides entre les différentes personnes du groupe, joueuses et staff confondus. C’est le moment où le groupe se renforce autour de valeurs communes. Sans un groupe uni et solidaire, il y a peu de chances de performer. Au-delà de cet aspect de cohésion, le stage est également le moyen d’emmagasiner de grosses charges de travail tout en contrôlant plus facilement l’alimentation et les phases de récupération. Cela permet de rappeler aux joueuses les fondamentaux de l’entraînement invisible des sportives de haut niveau : les bonnes habitudes alimentaires, prendre soin de son corps qui est son "outil" de travail. En partant en stage dans ce type d’endroit, nous allons également chercher la fraîcheur et un environnement différent, qui permet de travailler dans des conditions agréables. Au total, on a effectué quatre séances terrain, une séance de course dans les bois, et quatre activités (badminton, pétanque, VTT, escalade) entrecoupées de plages de récupération (bains froids, sieste, massages, soins kiné).
À nous de bien gérer la charge de travail et les phases de récupération lors de ces semaines.
Il est important, dans une préparation estivale, de monter en puissance avec d’autres activités que le football ?
Il est, à mon sens, intéressant de proposer aux joueuses d’autres activités afin d’observer d’une part les comportements de celles-ci face à des environnements qui leur sont bien souvent étrangers et de voir comment elles y répondent individuellement et collectivement : esprit de compétition, solidarité, goût de l’effort.. Ces activités sont parfois des découvertes pour certaines joueuses notamment nos joueuses étrangères qui n’ont jamais pratiqué certaines activités proposées. La sortie VTT de 25 kilomètres sous la pluie a par exemple été révélatrice de la cohésion du groupe et de l’acceptation du dépassement de soi. Ces activités sont aussi bénéfiques d’un point de vue athlétique, puisque nous pouvons travailler sur la capacité aérobie (VTT), la force (escalade), la coordination intersegmentaire et les appuis (badminton) entre autres.
Quelle est la différence entre une préparation physique avec des femmes et des hommes ?
Dans l’approche globale, c’est relativement proche en adaptant bien évidemment les charges de travail à chaque individu. Néanmoins, il faut prendre en compte les différences anatomiques qui existent entre les femmes et les hommes. Pour parler concrètement, on peut évoquer un bassin plus large et donc une orientation du fémur différente, des articulations plus laxes donc à renforcer, une masse adipeuse plus importante... Le travail de prévention des blessures est par conséquent à adapter en fonction de ces particularités. Il y a également le cycle menstruel à prendre en compte. Différentes qualités athlétiques sont altérées ou à privilégier en fonction de la période du cycle. Le suivi de l’état de forme au quotidien notamment via une application, nous permet d’avoir un aperçu individuel sur leurs périodes de menstruations et de leurs cycles. Le suivi de la composition corporelle est également assez important chez la femme qui a tendance à prendre plus facilement en masse adipeuse que les hommes. Enfin, après mes expériences passées avec les deux publics, je dirais que l’organisation des charges importantes de travail diffère. Par exemple, lorsque les séances sont doublées, il est plus difficile pour les femmes d’enchaîner une séance difficile le matin et une plus légère l’après-midi. L’inverse est plus approprié pour les femmes.
Comment s’articulera le travail physique tout au long de cette saison de D1 Arkema qui sera longue mais entrecoupée de week-ends sans compétition ?
Les contenus athlétiques sont systématiquement en lien avec les contenus technico-tactiques. Ainsi, le coach, Laurent Mortel, m’a donné la responsabilité d’organiser les contenus athlétiques sur la semaine. Nous discutons quotidiennement des contenus et c’est lui qui valide le projet final. Dans notre approche, toutes les composantes athlétiques doivent être maintenues et donc travaillées durant la semaine. Avec la nouvelle forme du championnat D1 Arkema, je ne dirais pas qu’il y a beaucoup de week-ends sans compétition. Par exemple sur la première partie de saison, nous enchaînerons 11 matchs sur 14 semaines, avec 3 trêves internationales. Celles-ci nous permettront de remettre à niveau les joueuses en manque de temps de jeu ou de régénérer les organismes pour celles qui jouent plus souvent. La deuxième partie de saison est tout aussi chargée mais dépendra de notre parcours en Coupe. Nous pouvons jouer jusqu’à 2 à 3 matchs par semaine, ce qui sera inhabituel pour notre équipe. À nous de bien gérer la charge de travail et les phases de récupération lors de ces semaines.