Didier Roustan : "L'ASSE digne de l'Argentine ou du Brésil"
Depuis quelques semaines, sa chronique "Le Geste Vert" anime les réseaux sociaux du club. Pour ASSE.fr, Didier Roustan nous explique son rapport aux Verts, fil rouge de sa carrière de journaliste.
Pourquoi avoir dédié votre chronique à un geste technique de chaque rencontre du club, quel que soit le résultat ?
Quand m’est venu l’idée de faire "Le Geste Vert", j’avais plusieurs possibilités. J’aurais pu parler de mes souvenirs de l’ASSE, qui sont nombreux, mais je ne voulais pas spécialement parler du passé. Comme le rendez-vous est hebdomadaire, je craignais de tourner en rond, d’entrer dans la nostalgie. Le foot d’aujourd’hui est à l’image de notre vie : tout va très vite, on a parfois du mal à analyser ce qui arrive, souvent par manque de temps. Alors, j’ai eu envie de prendre une sorte de loupe et de la poser sur un geste ayant retenu mon attention. Car, parfois, on a tendance à se concentrer sur le résultat brut et à oublier des petites choses qui sont pourtant importantes.
Le fait que vous vous penchiez sur un geste technique doit répondre également à votre amour pour les fins techniciens…
J’aime l’esthétique, c’est vrai, mais je veux aussi souligner les gestes qui sont à la fois beaux et utiles. Par exemple, dans la dernière chronique, j’ai volontairement souligné le mouvement collectif qui a permis à Arnaud Nordin de marquer. Voilà presque 45 ans que je fais ce métier, mais j’ai gardé de l’enthousiasme. Je me suis toujours nourri des belles choses qu’offre le foot. Peut-être que c’est ce qui me permet de rester jeune. Ou en tout cas de penser pouvoir vieillir moins vite (rires) !
Quel joueur vous a particulièrement étonné depuis que vous avez réalisé vos chroniques ?
Denis Bouanga. Il a dans son jeu des attitudes étonnantes et spectaculaires qui correspondent bien à ce que je veux montrer dans mes vidéos. C’est un joueur qui a des qualités et qui, en plus, est beau à voir jouer. C’est sans doute celui qui revient le plus souvent dans le Geste Vert.
Comment préparez-vous les vidéos ?
Je regarde le match en direct et je note au fur et au mesure les actions qui peuvent m’intéresser. Par la suite, je fais un choix, je pioche parmi mes idées et je décortique les séquences que j’ai sélectionnées. J’aime avoir plusieurs ralentis et surtout plusieurs angles, afin d’avoir la meilleure vision possible de l’action. Étant un oiseau de nuit, j’aime travailler tard le soir. Au moins, je ne suis dérangé par personne. Et je m’éclate à le faire ! De toute façon, je ne le ferais pas si ce n’était pas le cas. Et puis, Saint-Étienne, c’est la valeur sentimentale ajoutée. Je suis marqué au fer rouge par les Verts car ce club fait partie de ma vie.
J’imagine un Stéphanois qui n’aime pas le foot. Je pense qu’il aura du mal à ne pas savoir le résultat du week-end passé car, forcément, dans son entourage, quelqu’un lui en aura parlé. Dans une ville de foot comme Saint-Étienne, les joueurs doivent ressembler aux habitants.
Quels sont vos premiers souvenirs liés au maillot Vert ?
J’ai débuté à TF1 en septembre 1976, quelques temps après la finale de Glasgow et peu avant l’affrontement mythique face à Liverpool. À cette époque, on était tous piqués par les Verts. Gamin, je montais de Cannes avec quatre ou cinq potes et on rentrait après le match. Exténués mais avec des étoiles pleins les yeux. Par la suite, mon métier m’a permis de devenir ami avec pas mal des joueurs de cette époque. Quand je vais à Buenos Aires, Oswaldo Piazza me reçoit autour d’un bon asado (*). J’ai également d’excellents souvenirs avec Ivan Curkovic et Christian Lopez. Cette équipe a marqué les gens au-delà même des frontières du Forez.
Récemment, France Football a consacré Saint-Étienne comme la capitale du foot en France. Qu’en pensez-vous ?
J’ai un regard extérieur mais je trouve que le lien entre Saint-Étienne et son club de football est digne des pays où le ballon rond est une religion, comme l’Argentine, l’Italie ou le Brésil. Quand on regarde de près les clubs de ces pays-là, on se rend compte que le point commun reste le rapport au club que l’on supporte : généralement, c’est le thermomètre du moral. Je pense que l’ASSE entre dans cette case. J’imagine un Stéphanois qui n’aime pas le foot. Je pense qu’il aura du mal à ne pas savoir le résultat du week-end passé car, forcément, dans son entourage, quelqu’un lui en aura parlé. Dans une ville de foot comme Saint-Étienne, les joueurs doivent ressembler aux habitants.
L’avez-vous ressenti lorsque vous viviez de près les exploits stéphanois des années 70 ?
Les Verts de l’épopée étaient en phase avec les valeurs que transmettait le maillot qu’ils portaient. Je pense que c’était leur grande force. Ils gagnaient grâce à leur supplément d’âme, leur solidarité, leur volonté de ne rien lâcher. Attention, ils étaient tous talentueux mais, à cette époque, les joueurs du FC Nantes l’étaient sans doute davantage. Malgré cela, ils n’étaient pas autant habités, transcendés par les alentours. Peu de clubs peuvent se targuer d’avoir toute une ville derrière eux. L’ASSE en fait partie.
(*) véritable plat national en Argentine, un asado ressemble aux barbecues importés des États-Unis.