Jean Castaneda : "Les Bleus peuvent se succéder à eux-mêmes"
Natif de Saint-Étienne, Jean Castaneda a éclos, mûri et appris le job dans l'ombre de l'incontestable et incontesté gardien du temple, Ivan Curkovic auquel il a succédé dans les cages au début des années 80. Sacré champion de France - le dixième remporté par les Verts leur valant à jamais de porter fièrement une étoile sur leur mythique tunique - avec un Michel Platini au sommet de son art en 1981, "El Gato" a disputé 360 matches avec l'ASSE et a été retenu à neuf reprises en sélection nationale. Aujourd'hui retiré à Istres, il coule une retraite paisible entre voyages et randonnées à La Réunion où réside l'un de ses fils, tout en gardant un œil aiguisé sur le football hexagonal et les progrès de son petit-fils, Evan, U13 gaucher évoluant à Argelès.
Votre premier match dans le Chaudron ?
Factuellement, un match d'Intertoto en mai 1978 face à l'AS Roma (1-0). Mais en vérité, je considère que ma carrière a vraiment débuté en août 1980 et une rencontre face à Bastia que nous avions largement remportée (4-0). J'étais jusqu'alors la doublure d'Ivan Curkovic. J'avais même pris place sur le banc à Glasgow. J'ai patiemment appris dans son ombre. Et ce n'est donc qu'à 23 ans que j'ai été titularisé. Ivan m'a prodigué des conseils et ses encouragements. Je n'ai jamais rencontré lé moindre problème avec lui. Ce match c'était la récompense de tant d'efforts et une formidable d'émotion pour le natif de Sainté que j'étais.
"Une première cape forcément spéciale contre l'Espagne"
Votre premier match en Bleu ?
Après avoir disputé un match amical avec les A' face à l'Allemagne ayant donné lieu à une large revue d'effectif, j'ai été appelé avec les A pour une rencontre disputée en février 1981 à Madrid. Tout un symbole pour moi dans la mesure où ma famille était originaire d'Espagne; mon père ayant, en outre, gardé les cages de Barcelone. Je me souviens que ma tante et mon cousin m'avaient rendu visite à l'hôtel. À l'issue d'une confrontation équilibrée, nous nous étions inclinés sur la plus petite des marges, sur un penalty (1-0).
Votre plus grande émotion avec l'ASSE ?
Le soir du dixième titre, synonyme de cette étoile si prisée. Quoique. n effet, précédemment, j'avais vécu déjà 37 émotions ! Nous formions une équipe redoutable, composée de fortes individualités. Je me rends compte de la chance que j'ai eue d'évoluer aux côtés de joueurs d'exception. Ce fut extrêmement formateur. Personnellement, je crois avoir réalisé une bonne saison. J'ai été régulier et n'ai encaissé que 16 ou 17 buts. Il est vrai qu'avec une charnière Gardon- Lopez, rigoureuse et complémentaire, et des latéraux du calibre de Janvion et Battiston, je pouvais évoluer en totale confiance.
"La qualification pour le Mondial 82 : un moment fort"
Votre plus forte émotion avec le maillot frappé du coq ?
Incontestablement, notre victoire face aux Pays-Bas en novembre 1981, synonyme de qualification pour le Mondial en Espagne (2-0) avec l'un de ses coups francs dont Platoche avait le secret. Un match à quitte ou double, un formidable challenge que nous avons su relever face à l'un des prétendants potentiels au titre se présentant sur notre route. Nous avons eu la chance mais également le talent de franchir cet obstacle. Je n'étais pas dépaysé dans ce onze tricolore avec Christian Lopez, Doudou Janvion, Jeff Larios, Michel Platini, Jacques Zimako, Dominique Rocheteau et en face, Johnny Rep.
Votre plus grande désillusion en Vert ?
La descente en D2 en 1984, trois ans après notre dernier titre, à l'issue d'un barrage perdu face au Racing devant quelque 45 000 spectateurs (0-2). Je me souviens de cette campagne d'affichage dans les rues de Sainté. Les joueurs, moi y compris, affirmaient qu'ils resteraient. À l'exception des jeunes formés au club, j'ai été le seul à ne pas partir ! Stéphanois de cœur et de souche, je n'ai cependant jamais regretté mon choix. Je l'ai assumé. Je suis allé jusqu'au bout de mes convictions. Deux ans plus tard, nous remontions. J'ai aimé travaillé avec Henryk Kasperczak. La tâche était immense : il fallait tout reconstruire. C'était un coach intègre, un gros bosseur qui m'a marqué. J'ai également un regret : celui de ne pas avoir soulevé la Coupe de France, battu à deux reprises en finale en 1981 et 1982. Cela demeure un vrai manque pour moi. Enfin, j'ai un souvenir amer : notre lourd revers à la maison face à Ipswich en 1981 (1-4).
Votre plus grosse frustration avec l'équipe de France ?
Ma non-titularisation en Espagne. Je n'ai disputé que la petite finale contre la Pologne (défaite, 3-2). Mais tout le monde était fracassé par ce qu'il s'était produit à Séville face à l'Allemagne (3-3, 5 tab à 4). L'élimination bien sûr mais surtout la blessure de Patrick Battiston. La tête n'y était tout simplement plus.
Votre pronostic pour les Tricolores en 2022 ?
La compétition semblait mal engagée avec cette cascade de forfaits de joueurs cadres. Le match contre l'Australie a été rassurant (4-1). Ils ont fait le taf. Cette équipe peut battre tout le monde. Elle a tant de talents en elle. Je suis confiant. À mes yeux, les Bleus sont candidats à leur propre succession.
Cet entretien a été réalisé avant le huitième de finale face à la Pologne.