Les souvenirs de Christophe Landrin
Aujourd'hui retiré en Normandie où il exerce la profession de coach sportif depuis 2014, Christophe Landrin (135 matchs et sept buts avec les Verts de 2006 à 2011) a souhaité quitter le milieu du ballon rond. "Je n'ai jamais envisagé d'embrasser la carrière d'entraîneur, par exemple. J'ai passé tous mes diplômes et j'ai ouvert ce studio de coaching qui s'adresse à Monsieur tout le monde. Cela a pu surprendre mais je vais souvent là où on m'attend le moins !", nous a confié l'ancien brillant et infatigable milieu de terrain de l'ASSE.
Christophe, quel fut ton coéquipier le plus talentueux à l'ASSE ?
Sans l'ombre d'une hésitation, Pascal Feindouno. Un phénomène, capable de décider du sort d'un match, de le faire basculer à tout moment, de débloquer une situation par ses dribbles, sa faculté à éliminer, à délivrer des passes avec justesse. Il tentait des choses et en réussissait beaucoup. Il nous libérait. Et puis quel état d'esprit, quelle joie de vivre. Un mec vraiment attachant. Bafé Gomis et Araujo Ilan étaient également des attaquants de grande qualité, souvent décisifs.
Plus largement, tout au long de ta carrière ?
David Coulibaly à Lille. Un milieu longiligne, rapide, fin, prédestiné à une belle carrière. Hélas, les blessures ne lui ont pas permis de percer et de performer durablement. J'ai eu également la chance d'évoluer aux côtés de Miguel Pauleta au PSG, un avant-centre racé, terriblement adroit. Je pense enfin à Téji Savanier à Arles-Avignon, à son volume de jeu, sa qualité de pied, de frappe.
Le joueur le plus méchant ?
Je préfère le qualificatif rugueux. Quand on défend, on doit être pleinement concerné dans les duels, à la perte du ballon, dans les un contre un sans pour autant verser dans la méchanceté. À Bastia ou à Nice, Cyril Rool a payé, par exemple, une réputation qu'il ne méritait pas. Certes, il s'engageait et voulait naturellement, légitimement remporter les duels qu'il livrait. Il était pris par le jeu. C'était un passionné et a parfois été sanctionné pour des paroles, plus que pour des gestes rugueux.
Le plus fêtard, le plus extraverti ?
Féfé (Pascal Feindouno), le sourire vissé aux lèvres, toujours gai; ça a toujours fait partie du personnage. Il respirait la joie de vivre et le jour J, il était présent pour t'emmener à la victoire. Ce genre de joueurs, il ne faut absolument pas chercher à les canaliser, à les faire rentrer de force dans une case. Ils doivent s'exprimer comme ils le ressentent. Pour ma part, avant un match, je m'imposais de rester seul dans ma bulle. Pauleta, pour sa part, deux jours avant une rencontre, il était systématiquement en "récup". Thierry Rabat, quant à lui, enchaînait les sprints, des 100 mètres, encore et encore. On cherche tous à évacuer la pression. Chacun a sa façon d'appréhender un rendez-vous. Il n'y a pas de vérité intangible, écrite dans les livres.
"Face à Parme, personne ne nous attendait"
La formation qui était ta bête noire ?
Les Girondins de Bordeaux. Lorsque les stats ne plaident pas en votre faveur, que les précédents ne vous ont pas souri, inconsciemment, ça joue et ces séries négatives se prolongent (on notera que les Bordelais de Laurent Blanc, en effet alors souvent performants face aux Verts, ont toutefois été éliminés par l'ASSE et Christophe Landrin lors d'un 32e de finale de Coupe de France en 2009 (0-1), but de Bafé Gomis (ndlr)).
Ton meilleur souvenir, ta plus grande émotion ?
Un succès lors de la dernière journée de championnat aux dépens de l'AS Monaco, champion de France en titre (1-2) avec le LOSC en 2001. Champions de Ligue 2, un an auparavant, nous avions accédé à l'élite et réalisé une bonne saison. Le maintien acquis, l'appétit venant en mangeant, nous avons fini le championnat en boulet de canon, décrochant notre ticket pour la Coupe de l'UEFA grâce à cette victoire. Quelques semaines plus tard, nous avons disputé un tour préliminaire de la Ligue des Champions face au Parme de Di Vaio et Cannavaro. C'était incroyable, fabuleux. On les a sortis à la surprise générale, nous imposant en Italie, 2-0 (grâce notamment à un centre-tir du futur Stéphanois lobant le portier, Sébastien Frey, nldr). Ce sont des moments forts dans une carrière. Je les ai vécus avec Vahid (Halilhodzic) aux commandes, et, entre autres, Johnny (Ecker), Greg (Tafforeau) et Sabri (Lamouchi).
Ta plus cruelle désillusion ?
Ma grave blessure avec Lille face à Toulouse en 2004. Sur un ballon entre deux, j'ai posé le pied et tourné la tête. Le contact était inévitable. C'était un fait de jeu, un accident. Je n'en ai jamais voulu à mon adversaire. Mais cette double fracture du plateau tibial m'a éloigné des terrains durant de longs mois.
"Un jubilé avant l'heure"
Ton plus beau but ?
En 2004, en demi-finales de l'Intertoto face aux Croates du Slaven Belupo pour l'ouverture du score (3-0) avec les Chalmé, Debuchy et Bodmer. Je revenais de Capbreton. Une combinaison bien exécutée et conclue d'une volée victorieuse, une "papinade" en quelque sorte. Avec Sainté, en 2006, aux dépens de Valenciennes et une volée acrobatique sur un service de "Féfé". Mon premier but en Vert (3-0). J'ai couru vers le banc comme un dingue. Toute l'équipe et le staff se sont jetés sur moi. Nous étions alors quatrièmes. Dans la foulée, j'ai été tout proche de récidiver lors du déplacement au Vélodrome à Marseille (2-1) J'ai récupéré un dégagement raté de Cédric Carrasso. Je l'ai vu avancé et, à hauteur de la ligne médiane, j'ai frappé instantanément. J'ai cru que le ballon allait se ficher dans la lucarne mais Carrasso, du bout du gant, l'a sorti. Si je marque là, je demande aussitôt au coach de me sortir. Inscrire deux buts de cette facture, coup sur coup, cela aurait eu des allures de jubilé avant l'heure.
Le coach qui t'a le plus influencé ?
Laurent Roussey avec qui j'ai noué et entretenu des relations fortes de confiance mutuelle. C'est la magie des planètes alignées avec des échanges intéressants, limpides, des observations pertinentes, constructives, une vraie écoute. Vahid (Halilhodžić) lors de mes débuts à Lille également mais en l'occurrence, je n'avais pas trop mon mot à dire.
Le dirigeant qui t'a le plus marqué ?
Robert Santens au LOSC qui est décédé depuis. Il était notre intendant chez les jeunes. Le rôle des intendants est parfois méconnu. Or, il est extrêmement important. Je pense à cet égard à Fred Émile chez les Verts. Les intendants, ce sont des confidents, parfois même des amis avec lesquels on peut partager, échanger, faire part de ses états d'âme.
Le transfert qui ne s'est pas réalisé ?
Je devais signer avec le PSG lorsque j'ai été victime de la double fracture face au TFC. Le LOSC, et je l'ai parfaitement compris, n'a pas souhaité me prolonger. Dix-huit mois plus tard, le couperet, en l'occurrence le terme de mon contrat, est tombé. J'étais libre. Il ne fut donc nullement question de montant du transfert, de valeur marchande, autant de données qui peuvent parfois polluer les tractations. Dans tous les cas, cela n'a jamais été mon truc, ma motivation première. Et finalement, j'ai donc rejoint le PSG.
Quel souvenir gardes-tu de tes années stéphanoises ?
J'ai pris beaucoup de plaisir à évoluer à Sainté, cinq saisons durant. Les valeurs qui étaient véhiculées par le club et la ville correspondaient aux miennes. Je veux parler du travail, de l'humilité, de la notion d'équipe. Je garde un super souvenir de notre large victoire face à Monaco (4-0) avec un doublé de Bafé (Gomis) qui nous a valu de nous qualifier pour la Coupe UEFA où nous avons atteint les huitièmes face au Werder Brême (1-0, 2-2) après avoir notamment battu Rosenborg (3-0) et l'Olympiakos à deux reprises (1-3 et 2-1).
Une anecdote ?
On a beaucoup parlé ces dernières semaines des incidents qui ont émaillé l'avant-match de l'Olympico. J'ai également connu ça à Marseille lors d'un déplacement avec Paris: le bus avait été caillassé, la police avait fait usage de gaz lacrymogènes après avoir chargé sous les tribunes. À l'hôtel, deux ou trois heures avant le match, des pétards avaient été lancés. On parle de folklore... Je pense pour ma part que l'on ne doit pas s'habituer à ça, que l'on doit préserver les enfants de cette dérive, que l'on doit revenir aux bases et rappeler que l'essence même du sport, c'est qu'il y a un premier et un dernier et que l'on doit tous l'admettre.