Pierre Ekwah, l'itinéraire d'un enfant doué

Sa première sortie en Vert avait coïncidé avec une prestation solide face à Lille, sanctionnée d'un succès probant (1-0), fruit d'une juste appréhension du staff et du labeur sans relâche d'un collectif concerné. Au diapason. Pierre Ekwah, ce soir-là, avait apporté son écot et séduit de par sa maîtrise technique, son élégante patte gauche, sa sérénité et cette faculté à bien ressortir les ballons sous la pression. Ce qui n'est pas pour surprendre Paul-Edward Martin qui l'a repéré à Arpajon et l'a accompagné à Brétigny.

Source que l'on soupçonne intarissable de talents, l'Ile-de-France représente un épatant terreau de pépites riches de promesses. Mais il y a souvent loin de la coupe aux lèvres. Les candidats sont légion quand les rangs des élus s'éclaircissent. La sélection est impitoyable, les ambitions s'étiolent insensiblement, les rêves s'envolent.

Paul-Edward Martin : "Un U9 face à des U11. Pierre-Emmanuel a toujours été double-surclassé"

"Le seul à être sorti d'un groupe de qualité, c'est Pierre-Emmanuel. Nombreux ont vu les portes du monde pro se refermer et en portent encore les stigmates", confie Paul-Edward Martin. "Je l'ai vu pour la première fois lors d'une opposition en U11 entre Brétigny et Arpajon. Il jouissait déjà d'un beau gabarit, répétait les courses sur le couloir gauche. Il m'a aussitôt tapé dans l'œil. Je me suis renseigné à son sujet. Quelle ne fut pas ma surprise d'apprendre qu'il s'agissait d'un U9 ! Vous le regardiez évoluer et vous saviez déjà que le potentiel était là. Il avait toutes les aptitudes pour aller loin. Je me suis alors rapproché de Paul-Georges Ntep, son cousin, et il a signé chez nous."

Ce double surclassement ne le quittera plus jusqu'à son départ pour l'Angleterre. "Au Centre de Formation de Paris, U15, il évoluait en U17. Il a toujours été en avance. Chelsea s'est rapidement positionné et a formulé une belle proposition financière à Nantes. Au sein du club londonien et de sa sacrée armada, il n'a pas eu sa chance mais il s'est confronté à un jeu plus dur, plus exigeant et il a su rebondir, a continué à progresser, s'est forgé un mental, une identité. Et ça, il ne le doit qu'à lui", précise Paul-Edward Martin qui préside désormais aux destinées du RC Arpajon. Lui qui se qualifie "d'autodidacte", marche à la passion. On devrait tous avoir envie d'aider, d'être utiles. Cela doit guider nos pas car le foot est avant tout une aventure humaine, un formidable vecteur social. J'ai eu des gamins qui n'ont pas passé le cap, qui sont aujourd'hui parents, maçons. Ils sont bien dans leur peau grâce, entre autres, au foot. Et c'est diablement valorisant."

"Le CS Brétigny : une usine à champions"

A l'instar de ce travail portant ses fruits et qui, à terme, propulse de jeunes pousses au plus haut niveau. "Le CS Brétigny, historiquement, c'est une usine à champions. Jérémy Menez, Patrice Evra, Jimmy Briand ou Mehdi Benatia en sont sortis. Près d'une centaine de pros ont fait leurs gammes dans ce club qui bénéficie d'une incroyable exposition et d'une aura légitime. Pour ma part, j'ai eu, entre autres, Sébastien Haller, ou deux joueurs que les Verts ont récemment croisés : l'Auxerrois Donovan Léon et le Nantais Jean-Charles Castelletto."

Et d'ajouter : "Ils ont réussi grâce à leur talent, leur volonté, leur résilience bien sûr mais également parce qu'ils ont bénéficié d'un environnement favorable. Pierre-Emmanuel et son frère Louis-Philippe que j'ai eu également à Brétigny, ont grandi auprès de parents mesurés, posés, humbles, attachés à une éducation stricte. Et le concours bienveillant, au quotidien, de Jackie, une bénévole dévouée, qui a pris notamment Pierre-Emmanuel sous son aile. Elle aussi, dans l'ombre a joué un rôle important. Quand Pierre-Emmanuel a rejoint Clairefontaine, tout le monde l'a soutenu." 

"Il n'a pas oublié d'où il venait"

Car le ballon rond n'est pas qu'affaire de talent. Une carrière est le fruit aussi de rencontres, d'opportunités dont la sentinelle des Verts, qui fut international des moins de 20 ans, a manifestement bénéficié et su saisir. Pour le plus grand bonheur de l'ASSE et un prêt gagnant-gagnant pour un joueur qui a effectué, en dépit de son jeune âge et de la densité de la Championship, une saison pleine avec Sunderland.

Paul-Edouard Martin en est convaincu. "Pierre-Emmanuel n'a pas oublié d'où il venait. L'an dernier, je l'ai contacté pour notre tournoi de jeunes. La proximité que j'ai toujours eue avec lui ne s'est pas envolée. Il a répondu spontanément et a fait l'unanimité de par sa gentillesse et son humilité." Un atout de plus dans le jeu déjà diablement étoffé du porteur du numéro 4 de l'ASSE.