Robert Herbin, le plus grand
Personnage mythique du football français, joueur, capitaine puis entraîneur de l’ASSE, ambassadeur à vie du club qu’il a mené jusqu’en finale de Coupe d’Europe des Clubs Champions, Robert Herbin est décédé ce lundi soir, à 81 ans.
C’est avec une profonde tristesse que l’ASSE a appris ce lundi soir la mort de Robert Herbin, né le 30 mars 1939 à Paris. L’homme d’un seul club en tant que joueur, mythe sacré et personnage central du football français. Il laisse derrière lui un palmarès inégalé, façonné par un caractère hors norme. A lui seul, il incarnait les Verts.
Un Niçois à Saint-Étienne
Bien que Parisien de naissance, Robert Herbin passe son enfance à Nice. Repéré par le Cavigal, il échappe aux radars de l’OGC Nice et rejoint Saint-Étienne en 1957, alors que l’ASSE vient de remporter son premier titre de champion de France. C'est le seul auquel Robert Herbin n'aura pas contribué. Demi-défensif comme on nomme à l’époque le poste de numéro six, repéré par Pierre Garonnaire et rapidement indispensable au sein du groupe dirigé par Jean Snella, Robert Herbin ne se contente pas d’évoluer dans l’entrejeu.
Doté d’une magnifique frappe de balle, il évolue un temps aux avant-postes, avant de reculer de deux crans et de former une paire de centraux infranchissable en compagnie de Bernard Bosquier. En 1960, il fête une première cape en Bleu lors du Championnat d’Europe disputé en France. L’équipe dirigée par Albert Batteux termine quatrième. Robert Herbin vit une demi-finale mythique face à la Yougoslavie (4-5) et poursuit son parcours tricolore en disputant la Coupe du Monde 1966 en Angleterre. Un an plus tard, il retrouve Batteux à Saint-Étienne. L’histoire est en marche.
Une génération dorée
Nous sommes alors en 1967 et la France du football s’apprête à faire de Saint-Étienne sa capitale. L’ASSE remporte quatre titres consécutifs entre 1967 et 1970, s’offrant également deux Coupes de France (1968 et 1970) sans oublier trois Trophées des Champions (1968, 1969, 1970). Les Verts dominent la scène nationale comme Robert Herbin domine les attaquants adverses. Sans pour autant laisser de côté son sens du but, symbolisé par un coup de tête plein de malice lors de l'exceptionnelle finale de Coupe de France face au FC Nantes en 1970 (5-0).
En 1972, alors qu’il n’a que 33 ans, Robert Herbin raccroche les crampons. Sans pour autant quitter l’ASSE. Rocher Rocher lui propose alors de prendre en main l’équipe après le départ d’Albert Batteux et sur fond d’affaire Carnus-Bosquier, ces deux joueurs quittant Sainté pour Marseille. Herbin hésite, lui qui peut encore évoluer au plus haut niveau, mais finit par accepter la proposition. Dans sa tête, l’objectif est clair : diriger une équipe résolument jeune, truffée des espoirs qui viennent de remporter la coupe Gambardella 1970, eux-mêmes entourés par des joueurs confirmés. Robert Herbin négocie un contrat de quatre ans, le temps qu’il juge nécessaire pour imposer sa patte.
Un maître, un guide
Inspiré par l’Ajax Amsterdam de Rinus Michels, le charismatique entraîneur, Robert Herbin va personnifier le poste d’entraîneur comme aucun autre technicien avant lui. Yeux perçants, regard glacé, visage impassible : l’homme devient coach et fait de sa fonction une deuxième peau. Cette dernière, tannée par le soleil, est laissée à l’air libre lors des entraînements des Verts. Parfois, celui qu’on surnomme le Sphinx y débarque torse et pieds nus, un simple sifflet autour du cou et la chevelure d’or bien entretenue. Les méthodes de l’Ajax ressurgissent : Herbin installe un premier service médical, fait équiper le club de matériel vidéo afin de pouvoir étudier les adversaires. L’ASSE devient pionnière, révolutionnaire. Unique. Herbin s'occupe de tout : de l'entraînement des joueurs de champ et des gardiens à la préparation physique.
Bientôt, les talents s'épanouissent La formation stéphanoise accouche de jeunes en devenir, comme Alain Merchadier, Jacques Santini ou bien encore Patrick Revelli dont le frère, Hervé, parti à Nice, reviendra bien rapidement au bercail. L’arrivée d’Ivan Curkovic est un tournant, tout comme l’éclosion d’un certain Dominique Rocheteau, repéré -comme tant d’autres- par Pierre Garonnaire. Michels avait Cruyff, Herbin aura Rocheteau ; un talent inné, un sens de l’élimination qui décrit alors l’évolution d’un football qui s’individualise. Mais, avant cela, Robert Herbin fera de ses victoires des succès éminemment collectifs.
Sur le toit de l’Europe
Dès 1974, soit deux ans après son arrivée sur le banc, Robert Herbin remporte un premier doublé coupe-championnat. Rebelote en 1975, alors que les Verts commencent à pointer le bout de leur nez en Europe. À ranger parmi les soirées spéciales, celle du 6 novembre 1974, qui voit les Stéphanois faire chuter l’Hadjuk Split sur le score de 5-1, occupe une place à part. Une "remontada" à la stéphanoise, initiée par les frères Revelli et le talentueux Georges Bereta, lui le Stéphanois pur sucre, clôturée par l’aide insoupçonnée d’Yves Triantafilos, "Tintin" pour les habitués de Geoffroy-Guichard. La presse du lendemain donnera un surnom qui restera collé à l’écrin stéphanois, bien aidé par l’atmosphère unique qui régna au moment de pousser les Verts vers l’exploit lors de la prolongation. Désormais, à Saint-Étienne, les adversaires seront plongés dans le Chaudron !
Stoppés nets en demi-finale par le grand Bayern Munich, les Stéphanois ne savent pas encore qu’ils prennent rendez-vous avec les Bavarois. Un an plus tard, le 12 mai 1976, Robert Herbin et les siens retrouvent Sepp Maier, Franz Beckenbauer, Uli Hoeness et consorts en finale de la Coupe d’Europe des Clubs Champions. Ils viennent d'éliminer le grand Dinamo Kiev (0-2, 3-0) et le PSV Eindhoven (1-0, 0-0). La fièvre verte, qui ne faiblit pas dans l’Hexagone, traverse la Manche et rallie Glasgow, théâtre de la finale, dans un Hampden Park qui prend fait et cause pour les petits hommes Verts. Ces derniers dominent, touchent du bois, se heurtent à la malédiction des fameux "Poteaux Carrés" et finissent par s’incliner sur la plus petite des marges. Le lendemain, les hommes de Robert Herbin, pourtant pas fan des mondanités, sont accueillis en héros à Paris. Les Champs-Élysées s’ouvrent à eux. Les Parisiens sont Stéphanois. On n’a pas vu une telle manifestation de joie depuis la libération de la France en 1945. Les Verts rassemblent, rabibochent, entretiennent aussi un amour pour le football et les épopées. Celle des Verts est à part.
Cette nuit s'annonce si longue et emplie de tristesse.
— AS Saint-Étienne (@ASSEofficiel) April 27, 2020
C'est une part de nous qui s'en va. Notre peine n'a d'égal que la profonde admiration que nous lui portons.
Robert Herbin restera à jamais dans nos cœurs.
A sa famille, l'#ASSE adresse ses plus sincères condoléances. pic.twitter.com/5iPDxXygkj
Un départ et un retour
Battus en quart de finale par Liverpool l’année suivant Glasgow, Robert Herbin et les siens courront longtemps après leur objectif de donner au football français une première Coupe d’Europe. La Coupe de France remportée en 1977, la sixième de l’histoire du club, permet au Sphinx d’agrandir sa légende. En 1982, les Verts échouent d’un rien en finale face au PSG d’un certain Dominique Rocheteau (2-2, 6 t.a.b à 5). Le club va alors s’engouffrer dans une longue disette. Robert Herbin l’a peut-être senti. Limogé en 1983, il poursuit sa carrière d’entraîneur à l’OL (1983-1985), Al-Nasr (Arabie Saoudite, 1985-1986), Strasbourg (1986-1987) et au Red Star (1991-1995). Entre temps, il reviendra à l’ASSE, entre 1987 et 1990.
Resté vivre dans la région stéphanoise, Robert Herbin sera un homme de peu de mots jusqu’à la fin de sa vie. Sa seule présence suffisait à tout dire, tout raconter. Toujours impassible, discret et raffolant de l’ombre, il est pourtant celui qui a placé l’ASSE dans la lumière.
Son legs, inestimable, restera comme son plus bel accomplissement. Ambassadeur à vie du club, Robert Herbin, c’est Saint-Étienne. Sa légende est éternelle.
À sa famille, ses proches et ses amis, dirigeants, joueurs, entraîneurs et salariés administratifs de l'AS Saint-Étienne adressent leurs plus sincères condoléances.