Un Monument avec un grand M
Un phare en direction duquel, génération après génération, on aime à converger. Le théâtre d'exploits mémorables que l'on conte à l'envi et dont la portée et le retentissement, aujourd'hui encore, vont bien au-delà des strictes frontières de la Loire. Un pan incontournable du patrimoine stéphanois dont on s'enorgueillit légitimement. "Notre Tour Eiffel", évoque Philippe Gastal, le conservateur du Musée des Verts, des trémolos non feints dans la voix. Entre sagesse et tendresse, passion et affection, expertise et gourmandise.
Le stade Geoffroy-Guichard, c'est tout cela et bien plus encore. Un lieu unique où la magie s'invite, où l'émotion vous gagne, où la communion acteurs - spectateurs au diapason s'opère.
Depuis le 13 septembre 1931, date à laquelle il fut inauguré en grandes pompes, il est l'un des poumons de la ville, ses "résidents" le sujet de débat par excellence, au cœur même de discussions enflammées d'une cité ligérienne que n'a de cesse de refaire le match. Le stade Geoffroy-Guichard, qui vit, entre autres, le Bayern Munich, le PSV Eindhoven, le Dynamo Kiev, le FC Nantes et les deux Olympiques éparpillés façon puzzle, est un symbole. Et doit, sanctuarisé, le demeurer.
"Pierre Guichard et son ardeur coutumière, jamais comptable de son temps et de ses efforts, aura mené à bien ce projet majeur pour la ville. Jamais sans doute, Saint-Étienne n'aura vécu un tel événement". Des écrits que l'on doit à "La Tribune Républicaine" à l'heure d'évoquer l'inauguration du stade Geoffroy-Guichard que l'on doit, entre autres, à l'entreprise Bouhana, missionnée par Adosia, filiale de Casino, pour la construction de cette enceinte sportive sortie de terre face au Parc Municipal de l'Étivallière, à proximité de l'usine à gaz et des usines des Aciéries, à l'angle des rues de La Tour et Charles-Delory. Ce, sur des prés marécageux, sis quartier du Marais, dont Geoffroy Guichard s'est porté acquéreur auprès de la famille Bernou de Rochetaillée. Oubliées les installations modestes du Pont-de-l'Àne. Place à cet outil moderne érigé par une référence en la matière : Bouhana ayant réalisé le stade olympique de Colombes.
Ce week-end des 12 et 13 septembre 1931 fera date dans l'histoire de la préfecture de la Loire. La fierté de toute une ville est palpable, le programme des festivités, riche et dense.
Un week-end historique, une fierté pour la ville
Samedi 12, alors même que l'Harmonie du Casino donnera le la de cette manifestation d'envergure, le Docteur Michot, une sommité unanimement reconnue donnera une conférence sur le thème de "L'Éducation physique enfantine". Une soirée de propagande, jugée d'intérêt général, et dont l'accès fut de fait gratuit. Parallèlement à cette conférence, qui eut "L'Eden" pour théâtre, rue Blanqui, fut projeté un film, présenté par le Capitaine Clayeux, un athlète de renom s'entraînant à Joinville. Pour assister à ce film, vantant la pratique sportive, et nourri d'images des J.O. de Paris et d'Anvers, il fallait, en revanche, s'acquitter de la somme de 5 francs ou de 1 franc afin de bénéficier d'une loge ou d'un fauteuil. Les billets étaient à retirer au "Casino historique", de la rue Michel-Rondet.
La fête du sport, de tous les sports et notamment... du rugby
Le 13 septembre, tout le ban et l'arrière-ban de Saint-Étienne avait rendez-vous au stade. Au menu : du sport et encore du sport. Des sourires, toujours et encore des sourires.
Pêle-mêle : André Crépin, athlète international, échoua à franchir 4 mètres à la perche. Avant de ravir le nombreux public présent à l'occasion d'une exhibition fort réussie de "roue vivante".
La Coupe Thiriez revint aux Phocéens du Massilia de Club. Les Marseillais s'adjugèrent cette épreuve pédestre : un 5 000 mètres à l'Américaine. En l'occurrence, en relais et des équipes composées de trois athlètes. Le Coquelicot - emmené par Guichard, Fraisset et Nautin - prit la cinquième place.
Brétenoux, à jamais le premier buteur en vert
Le match de football opposa une Entente Stéphanoise à l'AS Cannes, l'une des places fortes du football tricolore. Les Azuréens et leur kyrielle d'internationaux ne déroulèrent pas le tapis rouge à l'Entente Stéphanoise (9-1). Bardot - ça ne s'invente pas - s'offrit un festival. "Tout à son aise, Bardot, profitant des nombreuses occasions que lui offrent ses coéquipiers lui préparant, avec une sollicitude parfois exagérée, le plus gros de la besogne", nota joliment "La Tribune Républicaine". L'unique réalisation forézienne fut signée Brétenoux servi par Dubois.
Le match de gala opposa l'AS Montferrandaise - une pointure déjà - à l'Association Sportive Stéphanoise - Stade Forézien Universitaire. Les rugbymen auvergnats l'emportèrent largement, 32-11 (8 essais, 4 buts contre 3 essais, un but). Les Ligériens, en maillots à damiers verts et blancs, allèrent à Dame grâce à Billay, par deux fois, et Dupuy sur une merveille de coup de pied à suivre, digne d'un footballeur, de Rousseau.
Enfin, "un bal fort élégant et animé et un banquet d'honneur" se déroulèrent en soirée à la Maison de l'Amicale de Casino, au 13 de la rue Saint-Chamond. La touche finale d'une journée sans fausse note. Tout bonnement inoubliable et inclinant, aujourd'hui encore, au plus grand respect à l'égard de la famille Guichard et des édiles d'alors, Antoine Durafour, premier magistrat, en tête. De ce moment historique, vous pourrez découvrir le maillot porté, ce jour-là, par Marcoux, défenseur de l'Entente Stéphanoise, en visitant le musée des Verts.
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